Le passager
de Franz Kafka

(traduction lettresdemoscou)

Je me tiens sur la plate-forme du tramway et suis dans une totale incertitude quant à ma place dans ce monde, dans cette ville, dans ma famille. Même succintement, je serais incapable d’indiquer les prétentions que je pourrais avec raison émettre dans un sens ou dans un autre. Je ne peux pas expliquer pourquoi je me trouve sur cette plate-forme, me tiens à cette poignée, me laisse transporter par cette voiture, pourquoi des gens descendent ou continuent calmement leur route ou bien s’attardent devant les vitrines. Personne, d’ailleurs, ne l’exige de moi, mais cela ne change rien.

Le tramway se rapproche d’un arrêt, une jeune fille se place devant les marches, prête pour la descente. Elle m’apparait si nettement que je crois l’avoir touchée. Elle est vêtue de noir, les plis de sa robe ne remuent presque pas, la blouse serrée avec un col de petites mailles de dentelle blanche, la main gauche à plat contre la paroi et le parapluie, dans sa main droite, contre la marche du haut. Elle a le teint foncé, son nez, dont les côtés sont un peu pincés, s’élargit et s’arrondit au bout. Elle a une grande chevelure brune avec des mèches rebelles sur la tempe droite.
Et, bien que celle-ci soit petite et plaquée, je peux voir, car je suis très près, tout l’intérieur de son oreille droite ainsi que l’ombre à la racine.
Et je me demandai alors : comment se fait-il qu’elle ne s’étonne pas d’elle-même, qu’elle garde la bouche close et rien de semblable ne dise ?


©2010.Deyveaux



Der Fahrgast

Ich stehe auf der Plattform des elektrischen Wagens und bin vollstaendig unsicher in Ruecksicht meiner Stellung in dieser Welt,in dieser Stadt,in meiner Familie.Auch nicht beilaeufig koennte ich angeben,welche Ansprueche ich in irgendeiner Richtung mit Recht vorbringen koennte.Ich kann es gar nicht verteidigen,dass ich auf dieser Plattform stehe,mich an dieser Schlingue halte,von diesem Wagen mich tragen lasse,dass Leute dem Wagen ausweichen oder still gehn oder vor den Schaufenster ruhn.-Niemand verlangt es ja von mir,aber das ist gleichgueltig.

Der Wagen naehert sich einer Haltestelle,ein Maedchen stellt sich nahe den Stufen,zum Aussteigen bereit.Sie erschient mir so deutlich,als ob ich sie betastet haette.Sie ist schwarz gekleidet,die Rockfalten bewegen sich fast nicht,die Bluse ist knapp und hat einen Kragen aus weisser kleinmashiger Spitze,die linke hand haelt sich flach an die Wand,der Schirm in ihrer Rechten steht auf der zweitobersten Stufe.Ihr Gesicht ist braun,die Nase,an den Seiten schwach gepresst,schliesst rund und breit ab.Sie hat viel braunes Haar und verwehte Haerchen an der rechten Schlaefe.Ihr kleines Ohr liegt eng an,doch sehe ich,da ich nahe stehe,den ganzen Ruecken der rechten Ohrmuschel und den Schatten an der Wurzel.
Ich fragte mich damals : Wieso kommt es,dass sie nicht ueber sich verwundert ist,dass sie den Mund geschlossen haelt und nichts dergleichen sagt ?

1913.