Soldats de fortune













"Les historiens nationalistes russes répètent à l'envie que la victoire des bolcheviks dans la guerre civile a été dûe aux 300 000 étrangers des bataillons et régiments "internationalistes" composés de Chinois, de Hongrois, d'Allemands, anciens prisonniers de guerre, ou de Coréens qui avaient fui leur pays soumis à une féroce occupation japonaise. Dans leur xénophobie, ils comptent même souvent parmi ces internationalistes des régiments de Bachkirs et de Kirguizes, populations qui faisaient partie de l'empire russe depuis des décennies.(...)
Le premier recrutement de Chinois dans l'Armée Rouge s'est effectué de façon pittoresque. Le général Iona Iakir, que Staline fera, lui aussi, condamner à mort en juin 1937 aux côtés de Primakov, Toukhatchevsky, Poutna et quelques autres, raconte comment l'armée rouge en Ukraine recruta, sans l'avoir cherché, 450 Chinois enfuis de Roumanie. De garde un soir de janvier 1918, il est réveillé à l'aube par un cri.
" Je me frottais les yeux ; devant moi se tenait un Chinois vêtu d'une sorte de jaquette bleue. Il prononça un mot :
- Vassiki. Je suis, à moi, Vassiki.
- Qu'est-ce-que tu veux ? lui demandai-je.
- Il faut Chinois.
- De quel Chinois tu me parles ?
Il répéta :
- Il faut Chinois ?
Je ne comprenais pas ce qu'il voulait...
"Deux heurs plus tard, le même Chinois entra dans notre état-major et par signes nous invita à sortir. Nous sortîmes et nous comprîmes : environ 450 Chinois se tenaient alignés dehors. Au cri de "Vassiki", ils se raidirent. Les Roumains avaient fusillé trois Chinois qu'ils soupçonnaient d'espionnage. Furieux, les Chinois qui travaillaient à l'arrière du front dans une exploitation forestière se rallièrent à nous.
"Nus et affamés, ils formaient un tableau effrayant. Nous étions peu nombreux et nous avions beaucoup d'armes que nous n'aurions pas pu emporter et qu'il aurait fallu abandonner. Nous décidâmes qu'ils feraient des soldats (et la suite montra qu'ils étaient des soldats remarquables). Nous les avons chaussés, vêtus, armés. Leur bataillon donnait l'impression de petits soldats de plomb."(...)
Il y eut juste un incident regrettable. Ils recevaient une indemnité de 50 roubles par mois qu'ils prenaient très au sérieux. Ils donnaient aisément leur vie, mais il fallait les payer en temps et les nourrir convenablement. Un jour, leurs délégués viennent me voir et me disent : "Vous avez engagé 530 de nos hommes, vous devez payer pour tous." Ils se partageaient entre eux l'argent des morts (dans ce combat nous avions perdu 80 hommes). Je discutais longtemps avec eux, tentais de les convaincre que ce n'était pas correct, pas dans nos moeurs. Mais ils obtinrent ce qu'ils voulaient. Ils m'expliquèrent : " Nous devons envoyer en Chine l'argent aux familles des tués."
général Iona Yakir, cité par J.Jacques Marie dans "La guerre civile russe".



"A la fin du mois d'octobre de la même année, je partis à Volchia pour surveiller la bataille entre l'armée de Grégory Sémionov et l'Armée Rouge. A la gare, un Japonais vêtu de l'uniforme cosaque m'adresse la parole sur un ton arrogant. Il était pâle, épuisé.
" - Je cherche un militaire qui s'appelle Sasaki, est-il dans ce train ?
- Je le connais, mais il est en Mandchourie, dans un établissement spécial.
Comme je ne savais pas de qui il s'agissait, je ne voulus pas me découvrir.
Je continuais à parler avec lui. Peu à peu je commençais à comprendre la situation : C'était un soldat de Hatakeyama qui se battait dans l'armée d'Ungern von Sternberg. On appelait ce groupe d'armée Hinomaru-daitai. Il était constitué de rebuts de l'armée, de va-nu-pieds en provenance de Mandchourie. Cet homme avait attrapé le béri-béri et avait été abandonné par son groupe au moment de la débâcle. Il souhaitait maintenant se mettre sous mes ordres.
Ce soir-là nous avons bu du vin ensemble. Il m'a parlé des batailles qu'il avait vues. Quand je lui ai parlé de la mort de Nicolas II de Russie, il a pleuré et s'est mis en colère contre les actes commis par les extrémistes. (...)
Je continue à récupérer les soldats de Hinamoru-daitai. A présent ils sont sept.(...)..et ne font toujours rien. Boire de l'alcool, tirer sur les chiens ou sur n'importe quoi d'autre, c'est tout ce qu'ils savent faire. Après mon départ, deux commirent des vols et furent arrêtés à Qiqihar. Ils sont maintenant emprisonnés à Lushunkou."
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"Autobiographie d'un militaire",1963, Touchi Sasaki (1886-1955)
「ある軍人の自伝」 佐々木 到一


ndltr 1 : Hatakeyama Kotaro, Wakabayashi Kaizo et Kitagawa Kazuo étaient les trois chefs militaires du Hinamoru-daitai. C'est Hatakeyama qui s'est chargé du recrutement de ces 88 soldats, en trois jours, à Houten (Mandchourie) après une série de tests et d'entrainements en forêt. Il s'agissait de militaires, de policiers, de journalistes, de civils sans emploi. Nombre d'entre eux étaient originaires de Kyushu. La plupart sont morts au combat. Les survivants ont été rapatriés de Mandchourie par l'ambassade japonaise.
ndltr 2 : L'auteur, Touichi Sasaki était un général de l'armée impériale. C'est notamment lui qui s'occupa du transfert de Sémionov, traqué par les Chinois, hors de Mandchourie en 1922. Il est surtout connu pour sa participation au massacre de Nankin en 1937. A la fin de la 2-ème guerre mondiale il a été fait prisonnier par les Russes en Mandchourie. Il est mort en Sibérie, peu avant la date prévue pour son retour. Il écrivit 5 livres entre 1926 et 1942, qui furent édités après son décès.

sources : シベリア出兵  革命と干渉19171922, et 東亜先覚志士記傳.
©traduction et notes : 澁亙安岐子Juwata Akiko



" Mon cher ami, je me suis permis de te désigner comme témoin. J'espère que tu me pardonneras le dérangement que je te cause. C'est mardi prochain à neuf heures. Bien cordialement, Lavilette. Bruxelles, 13-03-23."
Trouver à son petit-déjeuner un beau jour de 1923 une carte postale au bas de laquelle on lit la signature d'un gaillard qu'on n'a plus revu depuis 1918 et la Mandchourie, et apprendre qu'on est choisi comme témoin par ce revenant sans savoir toutefois si c'est pour se marier ou pour se battre en duel qu'il a besoin qu'on l'assiste, c'est une assez piquante surprise ; et, le matin où m'arriva cette carte énigmatique, il me fallut la reprendre et la relire plusieurs fois avant d'avoir pénétré le sens de ces trois phrases pourtant bien simples, trop simples. Que me voulez au juste Lavilette, ex-caporal de carabiniers, devenu chauffeur d'automobile en tant de guerre comme il était devenu footballer à la caserne, par un sûr instinct de la carotte à tirer, et qui, lors du passage à Kharbine de ce qui restait du corps des autos blindées belges, avait faussé compagnie avec désinvolture pour entrer comme officier dans l'armée de Sémionov ? En tout cas, c'est bien de lui que me venait cette demande si tranquillement importune ; je reconnaissais bien là son franc sans-gêne sympathique. Ce coureur de cotillons allait-il se marier ? Mais non, ce n'est guère l'usage de se marier à neuf heures. Allait-il se battre ? Mais nous n'étions que jeudi, et l'on ne fixe pas de pareils rendez-vous cinq jours à l'avance. Et puis, qu'il fallut le seconder sur le terrain ou à la sacrisite, comment Lavilette avait-il eu l'idée de faire appel à moi, moi qu'il ne connaissait que pour m'avoir initié à l'art subtil de s'introduire la nuit dans les poulailliers galiciens, et que pour avoir de temps en temps fait le gros dos avec moi sous la neige des nuits de garde sous les rares obus de l'artillerie autrichienne ? Comment d'ailleurs Lavilette était-il à Bruxelles, alors que la plus élémentaire prudence lui commandait de ne pas remettre le pied en Belgique, avant que sa désertion ne fût prescrite ? A cette idée, la lumière se fit dans mon cerveau, et je m'attablai gaiement devant un café au lait qui refroidissait. Parbleu ! Lavilette ne se mariait ni ne se battait en duel. Il était poursuivi comme déserteur, et c'est devant le conseil de guerre qu'il m'appelait en témoignage.
La perspective d'aller dire à trois graves officiers tout le bien que je pensais de Lavilette me réjouit beaucoup ; j'étais bien sûr qu'avec lui l'audience serai d'une délicate fantaisie. Et puis je n'étais pas fâché de le revoir et d'avoir par lui quelques renseignement sur tous ceux qui nous avaient quittées là-bas. Il y avait eu des déserteurs assez peu intéressants, comme cet ancien sous-officier de la Légion qui était passé, à Kiev, dans les rangs de l'armée rouge, où sur le champ il avait été prômu capitaine, ou comme ce boxer tuberculeux qui était resté aux Etats-Unis où il avait contracté quelques beaux engagements. Mais, parmi les autres, que de cas passionants ! Qu'était devenu Daubrec, Maréchal des Logis de vingt ans, pâle et doux comme une fille ? C'était un des rares de chez nous qui eût le sentiment de la discipline, il ne manquait pas un appel ; quand nous cantonnions à Peterhof, on ne le voyait jamais creuser la neige pour passer sous la palissade qui entourait la caserne et gagner Pétrograd en fraude par le train de trois heures trente. Il se destinait à la carrière des armes et regrettait de n'être pas resté au front belge où il serait bientôt devenu sous-lieutenant. Un jour, à Khailar, aux confins de la Mongolie, pendant un arrêt du train qui nous emmène vers Vladivostok, il dîne au buffet de la gare avec deux ou trois officiers de la cavalerie blanche, gais compagnons et très grands seigneurs, qui l'invitent à une chasse au tigre dans les monts Khingan. Adieu l'école militaire et l'épaulette. Daubrec s'en va chasser le tigre.
Et Kiemzikovsky ? Kiemzikovsky s'appelait ainsi et ne savait pas pourquoi, étant né de père et de mère wallons dans un faubourg de Liège dont il avait l'accent traînard. Quand il fallut des hommes pour la Russie, comme on commençait alors à parler d'utilisation des compétences, tous ses chefs furent d'accord pour le désigner.(Il fut d'ailleurs à peu près le seul d'entre nous qui ne parvint jamais à comprendre un mot de russe ; il avait pour cette langue une inaptitude congénitale et n'avait jamais su prononcer convenablement son propre nom). Or, à Kharbine, ayant rencontré dans un café-concert une vieille chanteuse française à cheveux jaunes, Kiemzikovsky décida de déserter. Mais, comme il était prudent, il imagina une petite comédie. Un mois auparavant, quand notre convoi traversait les hauts plateaux de l'Oural, un de nos cuistots qui était descendu à un arrêt en pleine campagne pour se dégourdir les jambes, n'était pas parvenu à rejoindre son wagon quand le train s'ébranla. Il y avait près de quarante degrés sous zéro, personne ne s'avisait de se pencher aux portières ; le malheureux courait derrière le train, trébuchant dans la neige qui lui venait aux genoux et entravait ses pas. Il parvint, à force d'énergie épouvantée, à atteindre le dernier wagon et à se cramponner au marche-pied. On avait beaucoup commenté, dans les compartiments, le sort qui aurait été le sien s'il était resté seul dans ce désert de neige, à cent verstes de la gare la plus proche, sur cette voie où il ne passait un train que les deux ou trois semaines. C'est de cet incident que Kiemzikovsky voulut tirer parti. Le jour où le corps belge quitta Kharbine, il se tint prudemment dans un coin de la gare avec sa chanteuse jusqu'au moment où le train se fut éloigné de cent ou deux cent mètres. Alors il sortit de sa cachette et feignit de s'élancer à notre poursuite, comptant que ses efforts patriotiques pour rejoindre son unité seraient fidèlement enregistrés et éventuellement rapportés par quelques témoins,- ne fût-ce que par la représentante de la vieille chanson française. Mais Kharbine n'est pas l'Oural : tout le coprs était aux portières pour faire des signaux d'adieux aux nombreux officiers de Sémionov et à la centaine d'éphémères petites amis qui encombraient les quais. Dès qu'il aperçut Kiemzikovsky courant avec des mimiques désespérées, une grande clameur partit de tous les wagons, le mécanicien se pencha par la lucarne de sa locomotive, aperçut le retardataire et retentit l'allure. L'aspirant déserteur s'en rendit compte et modéra la sienne, feignant de s'essoufler et d'être à bout de forces. Le train ralentit encore jusqu'à n'aller plus qu'au pas ; Kiemzikovsky faisait de comiques sauts de hauteur et courait presque sur place. Enfin il se prit le flanc à deux mains, tiraillé d'un point de côté aussi opportun qu'invraisemblable, et se laissa choir sur le ballast avec un grand geste d'impuissance. Mais l'idée lui vint sans doute tout-à-coup que le train pourrait faire marche-arrière et venir le rechercher, car nous le vîmes se relever brusquement et repartir au grand trot vers la gare.
Cependant, à me remémorer les aventures de Lavilette, de Daubrec et de Kiemzikovsky, je m'étais mis en retard. Il me fallait ce jour-là aller plaider devant un juge de paix de banlieue quelque morne chicane. Et, en cherchant mon dossier, je me disais que la loi est triste et qu'il y a une grandeur à en sortir, et je pensais à Daubrec qui depuis cinq ans chassait le tigre dans les monts Khingan.
A suivre... Marcel Thiry (1897-1977), "Avec Sémionov".

Ungern, toujours un peu plus loin

"Corto Maltese en Sibérie", Hugo Pratt, 1978

Quittant Ourga, la Division de Cavalerie Asiatique pénètre en Russie soviétique par plusieurs endroits et engage le combat contre l'Armée Rouge. C'est une défaite complète. D'abord en raison de la disproportion des forces, ensuite à cause du manque d'enthousiasme des populations. Les villageois sibériens, malgré leur tempérament conservateur de paysans, ne souhaitent pas le retour de la monarchie.
Constatant son échec, le Baron Ungern se lance alors dans un dernier périple crépusculaire, relaté ci-dessous, avec en point de mire le Tibet et le pays de Shambala d'où les guerriers bouddhistes initiés au redoutable tantra du Kalachakra devront selon les prophéties lancer la reconquête du monde submergé par les forces du Mal.
Mais pour s'y rendre il faut d'abord traverser le désert de Gobi, alors que les soldats veulent fuir plus à l'est et se joindre aux dernières troupes blanches de l'extrème-orient russe.
Un complot s'organise, et le Baron est abandonné à la merci des Rouges, pieds et poings liés mais vivant, les Mongols n'osant pas porter la main sur le Dieu réincarné de la guerre.



Une petite perle, in english, qui nous vient
de l'Hoover Institution Archives (réf.CSUZHH697-A).


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Ungern, la prise d'Ourga, 1921













"Le Baron Ungern se comportait en ami avec les Mongols. Il prétendait avancer sur Ourga à la demande de Bogdo, afin de libérer celui-ci des Chinois et de le rétablir dans ses fonctions de Khan. (...) Les Mongols arrivant à Ourga racontaient qu'on lui accordait de l'aide partout sur son chemin, que ce soit pour le recrutement des jeunes gens, pour la réquisition des chevaux ou pour le ravitaillement. Le Baron, quand il prenait ce dont il avait besoin, payait toujours en pièces d'or et réprimait les soldats qui usaient de violences ou offensaient les villageois. La population était très bien disposée à son égard et un taidji (gentilhomme de vieille souche) lui apporta une aide conséquente. Beaucoup de Mongols se ralliaient de leur propre gré à ses troupes et tous ensembles affluaient vers Ourga. (...)
Les 15 000 hommes de la garnison étaient trés agités. D'une part ils manquaient de vivres, souffraient du froid et du vent auquels les Chinois du sud ne sont pas accoutumés, et d'autre part les perspectives de butin étaient faibles, et les armées chinoises gardent toujours à l'esprit ce bénéfice immédiat car comme le dit l'adage : "Pour faire un clou, on prend une tige fine, et pour faire un soldat, un homme maigre". Et donc, quand ils furent convaincus qu'il n'y aurait aucun profit à retirer des nomades mongols, le moral chutât et le mécontentement grandit. En plus de ces problèmes, les mongols infiltrés colportaient toutes sortes de rumeurs à propos de la protection magique contre les balles et les blessures dont bénéficierait le Baron, de l'aide conférée par les incantations des lamas, et encore toutes sortes de sornettes à caractère fantastique.
A l'automne 1920, le Baron Ungern et sa division stationnaient sur le versant nord-est du massif montagneux de Bogdo-Oula. (...) Dans la nuit sombre, au sommet oriental de la chaîne de montagnes, les cosaques de la division allumaient de gigantesques feux, et régulièrement, depuis le sommet de cette montagne sacrée, envoyaient de leurs obusiers des projectiles jusqu'au village diplomatique. A cette hauteur, les immenses brasiers se découpaient sur un ciel sombre, et leur flamboiement écarlate, tels un sinistre présage venant de la montagne enneigée, perturbait les soldats chinois déjà angoissés, toujours prêts à voir partout et dans toute chose des démons et des esprits malins.
Au début de l'hiver se produisit un évènement extraordinaire qui mit toute la ville en émoi, que ce soient les Mongols, les Chinois, ou les Russes : Le bruit se répandit que le Bogdo-Khan, le "Premier Mongol", Djebszoundamba-Khoutoukhta en personne, avait été arrêté. Au nom de quoi et pour quels motifs ? personne ne pouvait le dire, mais le Bogdo avec sa suite avaient été transférés du palais vers une demeure vide du quartier de la Polovinka. (...) Personne ne comprenait le but de cette arrestation. On supputait que les généraux voulaient affirmer leur pouvoir, leur importance : le Dieu Vivant en personne avait été appréhendé et rien ne se produisait, ils avaient la situation en main et tout devait passer par eux. La garnison pouvait d'elle-même constater que la divinité cédait le pas devant la force armée, et qu'il n'y avait donc rien à redouter des prières des lamas, ni des plaintes et gémissements qui sortaient de leurs longs tubes bouddhistes...Difficile de savoir si ce motif était le bon, mais beaucoup expliquaient la chose ainsi. Pourtant, passés 50 jours, le Bogdo fut reconduit dans son palais et la garde fut renforcée.
Malgré cela, la garnison ne fut pas rassurée, bien au contraire, et chez les soldats grandit la peur que l'arrestation du Saint, fusse-t-il un simple lama, ne restât pas impunie, et, que d'une manière ou d'une autre, il y aurait châtiment. Il ne restait plus qu'à en attendre les présages qui, à coup sûr, ne tarderaient pas. Et..c'est ce qu'il se produit. (...) En milieu de journée, dans la ville grouillante de soldats en état de guerre, de siège même, son Excellence le Baron Ungern en personne fit son entrée. Il se rendit à la propriété où résidait le dignitaire du régime Tchen-Y, puis, sans se presser, repartit vers son campement.
Et partout on racontait que, par une claire journée d'hiver, au petit trôt sur sa jument, habillé à la mongole comme à son habitude, en tunique rouge-cerise, son bambou à la main et coiffé de son bonnet blanc, le Baron Ungern s'avança tranquillement dans la rue principale du quartier Polovinka jusqu'à la maison du dignitaire Tchen-Y. Il pénétra dans la cour et, ne se pressant pas de mettre pied à terre, fit un signe de la main au factionnaire pour qu'il tienne les rênes de sa monture. Lui-même, tranquillement, fit le tour de la demeure avant de revenir vers sa jument, du regard inspecta méticuleusement les environs, ressera la sangle de sa selle, puis sans se presser quitta l'endroit (...) Sur le chemin du retour, passant à côté de la prison, il remarqua le garde qui dormait contre le portail. Une telle entorse à la discipline indigna le Baron, et, sautant à terre, il gratifia la sentinelle endormie de plusieurs coups de bambou.(...) Le soldat terrorisé sursauta dans son sommeil, alors Ungern (il parlait un peu chinois) lui expliqua qu'on ne doit pas dormir à son poste et que lui, le Baron Ungern, l'avait en personne sanctionné pour ce manquement. (...) Puis il reprit sa route. La sentinelle apeurée sonna l'alarme, mais il était déjà loin..
Les prisonniers mongols observèrent toute la scène à travers les palissades de la prison. Bien entendu, le passage à Ourga du Baron, et dans ces conditions de surveillance renforcée, ne pouvait pas rester secret et fit sensation parmi la troupe, ne favorisant pas, bien entendu, le calme des superstitieux chinois.
Mais encore plus démoralisant pour la garnison fut l'enlèvement du Bogdo-Khan ,en plein jour et sous les yeux de ses 350 gardiens.(...)
Enlever le Saint paraissait impossible en raison de la topographie des lieux,(...) Mais pour le Baron c'était tout-à-fait réalisable. Il n'avait pas en vain passé 4 mois avec sa division au sud-est d'Ourga à observer la ville (...) Les volontaires mongols étaient à sa disposition car il était trés populaire. Grâce à eux, il était au courant de ce qui se passait à Ourga et de l'état d'esprit de la garnison. Pour Ungern il était indispensable de kidnapper Bogdo afin que celui-ci ne serve pas d'otage au pouvoir chinois. Car si le Bogdo était pris en otage, alors les Chinois pourraient obtenir beaucoup des nomades, prêts à toutes les concessions pour leur gourou.(...) Parmi les Mongols il fallait trouver la personne capable de conduire directement l'opération. Un tel type fut désigné, il s'agissait d'un Bouriate nommé Toubanov, connu pour sa témérité, tête brulée, prêt à tout pourvu qu'il puisse en retirer un avantage, (...) réputé comme "artiste" dans plusieurs domaines "délicats".(...) Pour comparses, il se choisit les "Touboutov" d'Ourga, c'est-à-dire les Tibétains. Ceux-ci vivaient totalement isolés dans leur propre quartier non loin de Zakhadyra, faisant le commerce de diverses productions tibétaines , mais avant tout, ils pratiquaient l'usure. Toubanov choisit les plus endurcis, les plus respectés, ceux habitués dès l'enfance à se déplacer à travers la montagne. Mais, plus que cela, son choix se porta sur les plus fanatiques des lamas, ceux qui en raison de leur foi étaient prêts à se jeter les yeux fermés dans l'aventure pour réaliser des exploits. Le choix fut excellent, et personne mis à part les Tibétains ne pouvaient mieux accomplir cette tache, de plus ils haissaient les Chinois, oppresseurs du Tibet et du Dalai-lama.(...)
Il revint au Baron de régler les problèmes techniques et notamment la question du consentement, si ce n'est du Bogdo lui-même, du moins de son entourage dont dépendait l'enlèvement, car le Bogdo jouant un rôle passif, le pouvoir était aux mains d'une camarilla avec qui il était difficile de négocier. Le Baron s'en tira fort bien. Quand et comment il s'arrangea avec eux ? on ne le sût pas, mais ils donnèrent leur accord. (...)
Raconter par le détail l'enlèvement de Bogdo serait long et fastidieux, beaucoup d'éléments ont depuis acquis un caractère légendaire, mais sur le moment ils suscitèrent l'intérêt et l'admiration. A présent tous ces détails sont oubliés, effacés par le temps, mais une image se grava profondément dans la mémoire collective : on affirmait parmi les habitants et la garnison chinoise que des forces surnaturelles étaient intervenues pour rendre possible l'enlèvement de Bogdo. "Voyez-vous ça", disaient certains, et d'autres leur répondaient : " A la vue de tous, dans le palais du Bogdo que l'on peut voir de tous les points de la ville comme dans le creux de la main, au grand jour, survinrent les Tibétains, et ils désarmèrent, frappèrent quand il le fallait la garde à l'extérieur et dans le bâtiment, enlevèrent Bogdo et le portèrent dans leurs bras hors du palais avant de le faire monter, se le passant de mains en mains sur la pente raide, jusqu'en haut de cette montagne inaccessible, alors qu'une partie de la garde restait figée et que l'autre s'enfuyait. Alors dites-moi, n'est-ce pas un miracle ?! Non, ici, une force spéciale s'en est mêlée.." (...)
On pouvait entendre des récits de ce genre parmi les Russes, les Chinois ou les Mongols, et chez tous ils suscitaient un étonnement mêlé de crainte. Concrètement, cela se passa ainsi : le moment de l'irruption des ravisseurs dans le palais était fixée précisément, et quand les derniers en costumes de lamas atteignèrent le palais, le signal fut donné, alors les hommes de Bogdo, armés en cachette, se jetèrent sur la garde, désarmèrent les soldats et les ligotèrent. Les hommes de Toubanov, se pressant dans le palais, se saisirent de Bogdo déjà habillé de vêtements chauds et prêt pour la fuite, et ils le hissèrent le long d'un chemin secret sur la montagne Bogdo-Ouda jusqu'à l'endroit où les attendait la relève. Celle-ci se saisit du Bogdo à son tour et l'emporta jusqu'à la relève suivante, et ainsi de suite jusqu'à ce que les différentes équipes ne l'eurent déposé au monastère Mandchou, en sécurité parmi les cosaques du Baron."
D.P. Pershin-Д.П. Першин, "Notes sur les troubles en Mongolie Intérieure" 1933.



"Nous étions prêts à nous battre car il y avait à Ourga tout ce qu'il nous manquait : de la nourriture, des vêtements, des munitions et des endroits chauds et secs où dormir.De plus, nous voulions nous venger des humiliations et souffrances subies à l'automne dernier.(...) Nous ruant sur notre cible, nous nous retrouvâmes derrière l'ennemi sur le Haut-Maymatchen, dans les environs d'Ourga. Les Chinois durent se replier dans leurs tranchées du Bas-Maymatchen. Entretemps, Khobotov attaquait dans son secteur et prenait deux unités d'artillerie avec 200 obusiers. Il retourna immédiatement les batteries contre les Chinois. Notre groupe et celui de Khobotov se battirent avec bravoure et détournèrent l'attention de Toubanov dont la mission ce jour-là était primordiale. En effet, selon les oracles mongols et les devins, le Bouddha Vivant devait être libéré le premier jour des combats, c'est-à-dire le 1-er février (...).
En fin de matinée, les ennemis acculés durent abandonner leurs positions et se retirèrent dans les solides casernes de Boulounsky, dans les bâtiments de l'ambassade russe et dans la forteresse de la compagnie aurifère. Un groupe d'à peu près 2000 chinois désertit et s'enfuit au nord espérant rejoindre l'Armée Rouge (...). A présent la victoire était totale ; mais les oracles disaient que le vaincu devait être soumis le 4 février. Comme nous n'étions que le 1-er du mois, il nous fallut rester 2 jours inactifs. Tels étaient les ordres du Baron. Le reste de la journée nous consolidâmes nos positions, rassemblâmes et chargîmes les blessés avant leur transport jusqu'au camp. Celui-ci se trouvant à 35 miles (...), beaucoup moururent de froid avant d'avoir atteint l'hôpital de campagne.
La nuit, un des nôtres fit partir une fusée. Les Chinois ouvrirent de suite un feu nourri et désordonné. Les mitrailleuses crépitaient furieusement. La tentation était trop grande, et, contre les consignes, nous nous jetions dans la bataille. Le Baron également fut pris d'une folle impulsion et nous le vîmes chevaucher au galop en avant de nos lignes. (...). A ce moment, alors que nous attaquions à la baionnette les Chinois, notre cavalerie les prit à revers. Le feu se déclara dans Maymatchen, le quartier chinois de la ville. De nombreux brasiers illuminaient l'endroit, allumés par nos partisans dans la place qui n'espéraient même plus survivre à l'épreuve. A présent nous atteignions les murs derrière lesquels se réfugiaient les adversaires. Les grenades à main détruisirent les portails, les fenêtres et les portes, et le massacre commença. On peut juger de la cruauté des combats par le faible nombre, 800, de soldats chinois qui survécurent.
Submergés par la haine et par le désir de vengeance, les vainqueurs commencèrent le pillage.(...)
Des groupes de cavaliers ivres tiraient et tuaient selon leur humeur, forçaient les portes des maisons, jetaient les biens dans la rue, s'habillaient de riches habits de soie trouvés dans les magasins. Devant la banque chinoise s'était formée une file de Mongols. Chacun attendait son tour pour plonger ses mains couvertes de sang dans les coffres et prendre ce que le hasard lui accorderait. Certains chanceux en retiraient des pièces d'or et des lingôts, d'autres repartaient avec de l'argent, d'autres encore n'en retiraient que des documents et des valeurs de papier dont ils se débarassaient immédiatement. C'était pour eux un grand divertissement, une sorte de loterie : personne ne savait ce qu'il allait tirer, mais chacun avait le droit de tenter sa chance une fois, une seule. (...) Une scène digne d'un artiste : des sauvages, les mains, les habits et les bottes ensanglantés, attendant leur tour devant les coffres de la banque. La lueur des brasiers leur peignait des visages de bronze. Aucun ne prêtait attention à ses propres blessures.
(...), ..quand on ouvrit les portes de la prison aux prisonniers russes, affamés, ils se jetèrent comme des bêtes sur la nourriture et la viande crue. Fous de joie, ils embrassaient tous les cavaliers qui passaient. Mais quand un des leurs osa demander un cheval pour s'enfuir en cas de défaite, on l'abattit sur place. (...) Des personnes cherchèrent refuge chez Guppel, citoyen américain, d'autres chez le prince mongol Togtokho ; mais l'un et l'autres durent livrer leurs amis pour sauver leur vie. La foule ivre trouva un nouveau jeu : tuer les gens dans la rue d'un seul coup de billot de bois, en pleine face. Il y eut même un cosaque qui tua plusieurs des siens en frappant de tous côtés jusqu'à ce qu'on l'abatte.(...)
Beaucoup d'épouses se proposaient avec leurs filles pour sauver la vie de leurs maris ou de leurs frères, mais au final elles étaient souvent flouées.
Ce fut 3 jours et 3 nuits de cauchemar sanglant : le Baron tint sa promesse. Puis, enfin, au matin du 4-ème jour, il ordonna que soient punis de pendaison tous ceux qui voleraient ou useraient de violences à l'égard des habitants, et que des coups de bambou soient infligés en cas d'ivrognerie : 100 pour les officiers, 50 pour le soldat, 25 pour le civil. Et effectivement, tous ceux qui n'eurent pas connaissance du nouveau règlement et continuèrent leurs forfaits furent pendus devant les magasins qu'ils venaient de piller. Le colonel Sipailov, nouveau commandant d'Ourga, envoya ses hommes aux trousses des criminels. Le colonel Laurents, qui commandait un escadron, fut inculpé pour comportement immoral et condamné à être fusillé. Le lieutenant Makéev dut exécuter la sentence."
D.D. Aleschin-Д.Д. Алешин, "L'odyssée asiatique", 1941.



"Ourga se prépara solennellement au couronnement du Bogdo. Cet évènement n'avait pas moins d'importance pour les Mongols que s'il s'était agi du Tsar pour les Russes. Toute la noblesse mongole, arrivant sur leurs attelages des coins les plus reculés du pays, s'acheminait vers la ville qui se remplit d'une foule pittoresque et bigarrée. Le couronnement était fixé pour la fin février. La veille, l'ordre suivant fut donné à la Division de Cavalerie Asiatique : "Levée à 3 heures le matin, en uniforme neuf, armes à la main et avec l'orchestre, quitter Maymatchen pour Ourga et faire la haie depuis le palais de Bogdo jusqu'au grand temple".
Une partie de la Division se positionna sur le côté gauche de la voie, sur le côté droit les régiments mongols et bouriates. Cette attente pénible dura 3 heures et puis, un peu avant 9 heures, on les mit au repos. Les lamas affirmaient que le couronnement ne pouvait avoir lieu à cette heure-là, car les dieux s'y opposaient, et ne pas suivre leur avis constituerait un mauvais présage. Ils tenaient dans la cour des sortes de conciliabules quand des messagers à cheval firent leur apparition. En habits de parade colorés, avec des tubes d'où sortaient des sons abrupts, ils firent savoir que le Bogdo serait bientôt là. Les troupes se figèrent, ainsi qu'une foule de plusieurs milliers de gens. Derrière les messagers s'avançait une pompeuse procession aux couleurs criardes suivie d'un char triangulaire fait d'énormes tronçons de bois. Au centre du char, était planté un mât gigantesque en-haut duquel flottait un immense drapeau mongol, scintillant de tous ses fils d'or. Un ordre sonore retentit : "Division Asiatique, garde-à-vous, alignement à droite, officiers !".
Sur une calêche en or, Bogdo allait à son couronnement. Il était en tenue de parade avec des lunettes noires (l'alcool et la syphilis avaient rendu aveugle le Bogdo,ndlr). (...) Autour de son véhicule doré se pressaient les nobles mongols dans de somptueuses tenues orientales et coiffés de petites toques côniques de couleur ornées de pierres précieuses selon leur rang. La cérémonie religieuse dura 4 heures (...)
Puis un ordre retentit : Ungern approchait. Son allure était inhabituelle. Il portait l'habit des princes mongols, une toque avec une plume, et s'avançait sur une calêche magnifique dont les rênes étaient de couleur jaune, signe de noblesse chez les hauts dignitaires. L'apparence d'Ungern, d'habitude peu soigné, rappelait un perroquet multicolore et provoqua un sourire involontaire parmi les siens. Le Baron lui-même n'était pas à l'aise dans cet accoutrement mais essayait de le cacher.(...) Une demi-heure passa puis le Baron commanda énergiquement :" Garde-à-vous, présentez armes !" La musique joua à nouveau, et le Bogdo, couronné Souverain Suprême de la Mongolie, passa entre les haies de soldats et de milliers de fidèles. Tous les Mongols et Bouriates avaient le genou droit à terre, les Russes étaient au garde-à-vous, et de bruyants "Hourra!" émanaient de toute la place. Au palais commença la fête. Tous les officiers de la Division Asiatique furent élevés aux rangs de dignitaires mongols du 1-er au 6-ème rang. Les célébrations du couronnement durèrent plusieurs jours. Les Mongols triomphaient, ils avaient à présent un empereur."
А.С. Макеев, ancien adjudant de la Division de Cavalerie Asiatique.



Lettre du Baron Ungern à K. Gregorу*
20 mai 1921, №986, ville d'Ourga.
(*messager envoyé à Pékin)

(...) Présentement, il n'y a plus de troupes révolutionnaires chinoises sur le territoire de mongolie, la plupart ont été détruites, d'autres vagabondent dans la région. Le travail s'intensifie pour l'unification de la Mongolie Intérieure et Extérieure et pour le ralliement des nomades de l'est et de l'ouest.(...) Le but de cette union est double. D'abord former un noyau autour duquel pourront se rassembler toutes les tribus de sang mongol, d'autre part la lutte armée et spirituelle contre l'influence dépravante de l'Ouest, obsédé par sa folie révolutionnaire et par les manifestations spirituelles et physiques de sa décadence morale. (...)
L'étape suivante du projet, projet ayant pour devise "L'Asie aux Asiatiques", est la création d'un empire d'Asie Centrale qui rassemblera tous les peuples mongols. J'ai déjà établi des relations avec les Kirguizes, et écrit à Boukey-Khan, ancien membre de la Douma, un patriote très instruit, descendant des khans de l'ordre des Boukeev (de l'Irtych à la Volga) et influent parmi le gouvernement de l'Alach-Ordi. Vous devrez agir de la sorte en ce qui concerne le Tibet, la Chine Orientale, le Turkestan et, avant tout, le Xinjang.(...)
Il est indispensable de mentionner dans vos discussions la survie de la Chine face au péril révolutionnaire, et cela grâce à la dynastie mandchoue auréolée de gloire et qui a beaucoup fait pour les Mongols. Il est aussi primordial d'intéresser les Chinois musulmans, notre lien avec les Kirguizes de même religion les incitera à se joindre aux tractations.(...)
Je lance à présent mon mouvement vers le nord et dans quelques jours j'engagerai le combat contre les bolchéviks. Dès que j'aurai donné une impulsion suffisante à tous les régiments et tous les hommes rêvant d'en découdre avec les communistes, et quand, avec à sa tête des gens loyaux et fidèles l'attaque contre la Russie se sera concrétisée, alors je redirigerai mes forces vers la Mongolie et les régions alliées afin de rétablir intégralement la dynastie des Qing, outil indispensable à la lutte contre la révolution mondiale. (...)

source : "Le baron Ungern dans les documents et les mémoires", sphère Eurasia, Kouzmine 2004.
traduction de Vincent Deyveaux



Le rapport du Japonais Tanaka Giichi, ministre de la Guerre, dévoilait officiellement ces ambitions en 1927 : « Pour conquérir la Chine, nous devons d’abord conquérir le Mandchourie et la Mongolie. Pour conquérir le monde entier, nous devons d’abord conquérir la Chine… » (In order to take over the world, you need to take over China; In order to take over China, you need to take over Manchuria and Mongolia. If we succeed in conquering China, the rest of the Asiatic countries and the South Sea countries will fear us and surrender to us. Then the world will realize that Eastern Asia is ours.). Appelé Memorandum, ce « plan Tanaka » brossait les grandes lignes du projet japonais de conquête du monde, qui fut d’ailleurs suivi jusqu’en 1945, date de l’effondrement du Japon.
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